Guy Rouverol


(hommage paru sur le site de l'Echiquier Marseillais 1872)

Biographie de Guy,
regrets d'une amitié perdue...

Guy ROUVEROL

Robert SIBERCHICOT

Le président de l'Échiquier Marseillais 1872, Robert Tsalikian, a fait appel à la mémoire de Roger Audiffren, pour retracer l'essentiel de la carrière échiquéenne de Guy Rouverol. Roger pense que c'est vers 1965 que Guy arriva à l'Échiquier Marseillais, alors sous la présidence de Jean-Marie Girardey (1967). Il me semble pourtant me souvenir que j'ai connu Guy Rouverol au Cercle Phocéen d'Échecs, au Café de la Banque, dans les années 1950-55. À ce moment-là, le président de ce club si cher à ma mémoire était peut-être Roosen ou Brandt ou Morançon. Je crois que Guy n'a jamais été membre du Cercle Phocéen. Nous avions alors, lui et moi, à peine plus de vingt ans.


Roger pense également que Guy « a été tout de suite le meilleur joueur du cercle (Échiquier Marseillais) et même de Provence pendant quelques années... » Là encore, il me semble que dans les années 55, 65, Victor Monkiévicz et Henri Catozzi (qui fut quatrième au Championnat de France, une année entre 60 et 65) étaient les deux meilleurs joueurs de Provence. Ce n'est qu'un peu plus tard, je pense, que Guy est parvenu à la première place. Malgré les incontestables qualités de Dominique Métras, je ne crois pas que ce joueur trop occasionnel, supplanta jamais Guy Rouverol


Roger Audiffren est plus précis lorsqu'il évoque la finale de la Coupe de France 1968 : « [...] contre l'Échiquier du Roy René d'Aix en Provence. Guy jouait sur le premier échiquier, il a gagné contre Penel, Audiffren a gagné contre Pellegrino au deuxième, Métras a perdu au troisième contre Santos, et Girardey a fait nulle sur le quatrième contre un joueur aixois dont j'ai oublié le nom. Nous avions gagné par 2,5 à 1,5 [...] »


Je me souviens très bien de Monsieur Penel, le meilleur joueur aixois de l'époque. Il était chef croupier au Casino d'Aix. Un Monsieur très distingué, courtois, correct, un personnage extrêmement sympathique et aimable.



Premier à gauche, Guy Rouverol
avant dernier à droite, Roger Audiffren,
au centre, Robert Siberchicot.

Roger nous dit encore que Guy avait été plusieurs fois champion de Provence, et avait participé à plusieurs Championnats de France. « ...placide et débonnaire... », pas toujours : il s'emportait quelquefois assez violemment lorsqu'il jouait et que la galerie faisait des commentaires. « Il était un joueur d'attaque », oui, et il avait beaucoup étudié, les débuts, les milieux de parties, les finales. Il connaissait un grand nombre d'études et de problèmes qu'il aimait à montrer, à analyser et à commenter.


Guy Rouverol avait fait carrière dans l'enseignement, où il fut professeur de sciences naturelles. Il offrait l'image du « vieux garçon » solitaire, secret, un peu égoïste et égocentrique. Et pourtant, à l'occasion de longues conversations avec lui sur des sujets divers, j'ai pu constater sa sensibilité, et même une certaine fragilité.


Je regarde ailleurs, mais je suis quand même
très près de Guy...

Il avait des connaissances sur tout et était doué d'une culture réelle, d'une intelligence à la fois pragmatique et artistique, philosophique et abstraite. Robert Tsalikian me dit qu'il avait même entrepris d'apprendre la langue russe pour pouvoir lire les parties d'échecs des revues russes et leurs commentaires, à une époque où les publications françaises sur les échecs étaient insuffisantes.



Guy et Robert... parlent-ils en russe ? !!!

À ma grande surprise, Guy s'était marié au début des années 70, avec une femme aussi très cultivée, ce qui pouvait sembler tout à fait compatible. Mais ce qui contrastait, c'était la forte personnalité de cette maîtresse femme... En 1974, nous étions Guy et moi avec nos épouses, au Championnat de France à Courchevel. C'est là que nous avions fait la connaissance de Madame Rouverol, et constaté qu'elle était une épouse très volontaire et assez dominatrice. Guy, qui ne tolérait pas plus dans le mariage qu'aux échecs d'être dominé, fit donc en sorte de reconquérir très vite l'indépendance et la liberté du célibat...


De son vivant Guy était déjà un monument...

Outre les échecs, qui occupaient la plus grande partie de son temps, Guy avait beaucoup d'autres sujets d'intérêt : les sciences, pour lesquelles il avait gardé sa passion d'enseignant ; la littérature : il lisait beaucoup, des ouvrages philosophiques, des romans d'avant-garde, des essais, et même de la poésie. En venant aux Danaïdes, il passait devant la librairie Maupetit où il s'arrêtait souvent, et achetait un livre. La musique : c'était un mélomane sensible et très averti. Il aimait Wagner, si cher à mon coeur, Beethoven bien sur, Mahler et ses lieds, les lieds de Richard Strauss aussi, il aimait Debussy, Ravel, les musiciens russes, etc. Une fois, dans les années 70, il était venu à la maison, accompagné de Madame. Nous avions écouté le Requiem de Berlioz, trop funèbre à son goût, puis celui de Gabriel Fauré, infiniment plus paradisiaque. Il aimait aussi la peinture, les arts... ; il allait parfois visiter des expositions, des musées, des vernissages. Quelquefois aussi il allait au concert...

Bref, Guy Rouverol ne laissait aucun temps libre à l'oisiveté. Il occupait son esprit constamment à des choses de qualité. Aujourd'hui qu'il n'est plus là, je me dis que sa suractivité était peut-être une fuite en avant, un moyen de ne pas avoir le temps de penser à autre chose, et d'échapper au silence et aux angoisses de la solitude... Ce qui me fait regretter maintenant, mais trop tard, de ne pas lui avoir consacré davantage de temps et d'amitié.
Robert Siberchicot, octobre 2007


Guy, était-ce prémonitoire... ?

Tu sembles partir avec pour seul bagage
ton jeu d'échecs dans le sac...